Originally published in Vaucluse Matin, Provence, 20 June 2000, p. 3.


ALBA A POSÉ UN LAPIN À AVIGNONUMÉRIQUE

Josée Bonet

AVIGNON. Les responsables de l’INRA ont consigné dans sa cage la lapine transgénique fluorescente qui devait être présentée au public au Grenier à Sel cette semaine dans le cadre de “l’artransgénique”. Son créateur Eduardo Kac et le commissaire Louis Bec dénoncent la “censure culturelle”.

Alba, la lapine transgénique fluorescente née il y a trois mois avec le gène d’une méduse implanté dans son organisme est restée consignée dans sa cage à Jouy-en-Josas. Les instances scientifiques ont interdit la prestation de cette lapine génétiquement modifiée par Eduardo Kac qui devait démarrer, hier, au Grenier à Sel.

Une décision que le responsable de l’association AvignoNumérique Louis Bec et l’artiste ne comprennent pas.

L’homme a toujours adoré jouer les apprentis-sorciers. Et l’histoire de la lapine Alba en est à nouveau le témoignage. Née de l’imagination d’un artiste brésilien surnommé “défricheur et visionnaire” et consi

AvignoNumérique/Les Mutalogues, ce laboratoire expérimental creuset des nouveaux modes d’actions culturelles transdisciplinaires au travers des technologies nouvelles ne pouvait donc clore la première partie de son programme sans la venue de cet artiste venu débattre de “l’artransgénique” et avec pour vedette la présentation au public avignonnais de sa dernière creation: Alba.

L’artiste avait l’intention de créer un espace domestique à l’intérieur du Grenier à Sel et d’y vivre avec Alba une semaine.“Le public doit voir la relation émotionnelle qui s’est créée entre elle et moi. Ce n’est pas un objet de recherche, pour moi c’est quelque chose de très sérieux que je souhaite placer dans le débat socio-culturel”.

L’Institut national de recherche agronomique où elle est née et qui a financé et participé techniquement à sa création en a décidé autrement et s’est opposé à cette prestation.

Alba, une lapine aux organes fluorescents, retenue “en otage”.

Eduardo Kac est donc venu seul expliquer sa mésaventure décontenancé face à ce qu’il appelle une “censure déguisée”.

Après avoir évoqué les enjeux économiques et institutionnels qui se cacheraient derrière cette décision, le commissaire Louis Bec pose la question “est-ce que la science peut continuer à se développer si elle n’a pas un regard plus démocratique?

La transgénie n’est pas seulement scientifique, c’est aussi un problème de societé qui mérite un débat public”.

L’artiste défend son oeuvre. “C’est un organisme normal et non un monstre qui permet de soulever le problème de la normalité et des relations entre nous et les sujets transgéniques. L’Institut qui a investi dans le projet ne veut pas que les résultats soient divulgués. Alba est prise en otage, alors.

Car pour son auteur, la lapine est en tous points identique à toutes les autres. De couleur neige à l’image de ses semblables venus d’un élevage de Monteux symboliser l’absente et installés à l’intérieur de l’espace du Grenier à Sel. Sa différence qui n’apparait pas à première vue, mais seulement au contact d’une lumière qui active le gène GFP (green fluorescent protein) est la fluorescence de ses organes et son corps.

En l’absence de sa lapine, l’artiste a donné hier une conférence sur ses travaux et jeudi 24, à 18h 30, animera un débat sur l’artransgénique. L’occasion de s’interroger sur la nécessité d’engager la transformation d’êtres vivants. Demain, pourquoi pas un chat, un chien ou même un bébé fluo? D’autant que l’artiste confirme que cette expérience peut être menée sur d’autres organismes vivants et mème sur l’homme. L’avenir pourrait nous réserver de drôles de surprises!


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