la beauté | beauty |
par NORBERT HILLAIRE
avignonumérique, les mutalogues de l'an 2000
Avignon's Digital Citizenship
Parmi les très nombreuses manifestations liées au passage à lan 2000, Avignonumérique/les mutalogues, fait figure dexception. Cest une manifestation expérimentale conçue par Louis Bec dans la Cité des papes à la demande initiale de Claude Mollard, Avignon étant en 2000 ville européenne de la culture. Il sagit moins ici de créer une cité virtuelle (et lon sait lusage excessif des métaphores spatiales et urbaines appliquées à laménagement du cyberespace) que dinscrire dans lespace des lieux concrets dune ville (mais lespace est toujours à la fois, physique, social et mental) cette question majeure : le web et les technologies en général ouvrent-ils la voie à une nouvelle urbanité, au sens que le 18e siècle a pu donner à ce mot, à une forme nouvelle dintelligence collective ? Par ses échelles (la totalité dune ville), par ses ambitions (esthétiques, sociales, éthiques et politiques), ce projet sinscrit assez directement dans la continuité de cette «sculpture sociale» dans laquelle Beuys voyait le destin de lart. Il est donc difficile de présenter Avignonumérique selon le modèle ou le régime du «spectaculaire» qui prévaut aujourdhui en matière dévénements culturels : ou alors il faut admettre que ce qui fait événement, dans Avignonumérique, cest précisément son refus du modèle de lexposition-événement. Aux certitudes de lévénementialisation culturelle annoncée (selon le modèle qui prévaut pour les films de Lucas ou de Spielberg), Avignonumérique oppose lincertitude ou le devenir aléatoire dun work in progress (étendant ainsi les prérogatives de luvre ouverte aux dimensions dune opération culturelle de grande envergure, alors que ce régime paraissait jusquà présent plutôt réservé aux uvres, et en particulier celles qui en appellent à linteractivité). Ainsi, la recherche de correspondances étroites entre les activités transdisciplinaires artistiques et scientifiques, et les actions menées avec les populations dans les quartiers, est une préoccupation centrale de cette expérience. Populations ? Vous avez dit «populations» ? Et non «publics» ? ou «spectateurs» ? Oui, dirait Louis Bec, qui, à la notion de public «bande passante», oppose lidée de population résidente, sorte de communauté en devenir ou dintelligence collective dont Avignonumérique se voudrait le catalyseur : il sagirait en somme (pour une fois) de sortir de la vieille opposition du quantitatif et du qualitatif dans les débats de société et de culture. Ainsi, ce laboratoire quest Avignonumérique ne dissocie pas linterrogation artistique des technologies numériques (performances de Stelarc ; présentation dun lapin transgénique fluorescent dEduardo Kac, en association avec Louis Marie Houdebine, Patrick Prunet, Claude Gudin et Louis Bec, qui donnera lieu, le 20 juin, à un débat ; travaux de Justine Cassel (MIT) sur «les agents conversationnels» (juin, Grenier à sel) et les interrogations politiques et éthiques que soulève aujourdhui lessor de lingénierie massive du vivant. Doù la tenue de plusieurs colloques et ateliers consacrés à ces questions («Des gènes sur lherbe» réunira, le 11 juillet au domaine de Bouchony, un parterre dexperts sur ces questions). Spatialement, cette expérience se développe sur plusieurs fronts et à plusieurs échelles (des quartiers au centre, de la ville dAvignon à lEurope). La dimension européenne du projet, Café Nine, se propose dassocier à travers les neuf villes européennes de la culture, des partenaires qui travaillent à lémergence des nouvelles cultures urbaines. A partir dun lieu source, le Grenier à sel, Avignonumérique essaime dans toute la ville, et en particulier dans les lieux à vocation socioculturelle, selon une vision résolument polycentrique et finalement réticulaire de lespace urbain. Le Grenier à sel offre à un tel projet son cadre si particulier : Jean-Michel Wilmotte a accompli ici des prodiges de reconversion et de modernisation. Mais ces lieux ne seraient rien sans linterconnexion dont ils font lobjet, interconnexion réalisée par lintermédiaire dun réseau à haut débit, appelé à demeurer. La BPS (système de diffusion démissions de la Cinquième stockées dans une banque accessible via Internet et le satellite) figure au cur du dispositif. Chronologiquement, lévénement se déroule selon plusieurs régimes de temporalité, tous enchevêtrés : à la temporalité forcément ressérée des performances, concerts, workshops, Avignonumérique ajoute un temps autre : celui de la formation dacteurs sociaux à ces technologies numériques qui auront été sensibilisés à leur usage artistique. Telle est en particulier la vocation des chantiers technologiques. Ces derniers, véritable pari sur lavenir de la culture, sont au nombre de six : - le multimédia. - la capture de mouvement et le langage du corps (signalons le workshop Faits et gestes sous la responsabilité de Sally Jane Norman, du 17 au 29 Juillet, au foyer 77). - le son (avec l'utilisation d'une audiosphère (création du compositeur et designer du son Louis Dandrel) installée dans la MJC de la Croix des Oiseaux, et aussi les créations de Michel Waisvisz, inventeur dinstruments numériques. - la robotique. Il sagit d'interroger le mouvement des objets à partir de systèmes simples allant de la mécanique, de l'électronique jusqu'au numérique. Il est placé sous la responsabilité de Loeil, laboratoire de création que dirige Christian Soucaret, établi dans lécole dart dAix-en-Provence. - la vidéo photo numérique, et enfin, la narration et lhypertexte. | Avignonumérique/les mutalogues stands out in the crowded landscape of Frances YK2 celebrations. It is an experimental event conceived by Louis Bec at the request of Claude Mollard and designed for the papal palace in Avignon (one of Europes nine cultural capitals for the millennial switchover). Its aim is not so much to create a virtual city (we all know how over the top these urban and spatial metaphors can get when it comes to developments in cyberspace) as to inscribe one very important question in the real locations of a given town (but then space is always at one and the same time physical, social and mental). That question is: Are the Web and new technology in general opening the way to a new urbanity, in the 18th-century sense of that word, a new form of collective intelligence? By its scale (a whole town) and ambitions (whether aesthetic, social, ethical or political), this project is a pretty direct extension of the social sculpture that, for Beuys, was the function and destiny of art. Consequently, Avignonumérique draws no line between artistic questions and digital technologies. This is reflected in the program, which includes a performance by Stelarc, the presentation of a fluorescent transgenic rabbit by Eduardo Kac with Marie Houdebine, Patrick Prunet, Claude Gudin and Louis Bec, complete with a debate on June 20, and the work of MITs Justine Cassel on conversational agents (at the Grenier à Sel in June). Participants will debate all the political and ethical questions raised by the exponential growth of the biotechnologies at a number of symposiums and workshops (Des gènes sur lherbe is the punning title of the debate at the Domaine de Bouchony on July 11). Avignonumérique will radiate around the town, and especially to its sociocultural centers, from its central location in the Grenier à Sel. It is predicated on a resolutely polycentric and reticular vision of the urban space. In the Grenier itself, Jean-Michel Wilmotte has done a prodigious job rehabilitating and modernizing. But these spaces would be nothing without their interconnection through the high-rate BPS system (used to broadcast the programs of the La Cinquième TV channel from a store accessible via the Internet or by satellite), a key element which the town will keep after the event. Translation, C. Penwarden |
Back to Kac Web